vendredi 23 septembre 2011

Le Haka Has-been ?

Alors que le Haka est visible partout, dans les stades mais aussi en ville et dans les cours d’écoles, cette danse mythique est actuellement contestée dans le monde du rugby. Trop de Haka tuerait-il le Haka ? Ce moment mythique dans une carrière de rugbymen qui est aussi, cela peut paraître surprenant, une cérémonie d’accueil, est peut-être un peu galvaudé pendant ce mondial.  Affronter le Haka néo-zélandais peut vous déstabiliser ou vous transcender mais c’est avant tout un privilège. Demain soir, les All Blacks devraient sortir leur Kapa O Pango, un haka plus virulent, qu’ils ne produisent que lors des grandes occasions. Le match contre la France, qui les a éliminés deux fois en coupe du monde en est une.

«Parfois, j’ai l’impression qu’il s’agit plus d’une action de com’ qu’autre chose. Le Haka ne me dérange pas plus que ça. Au contraire, ça me motive un peu plus et ça me fait même rire». Pascal Papé, le deuxième-ligne du XV de France et du Stade Français aurait dû retenir sa phrase avant qu’elle ne sorte de sa bouche. Il ne faut pas énerver un All Black et encore moins critiquer son Haka. C’est le sélectionneur de l’Afrique du Sud, Peter De Villiers qui a ouvert le débat la semaine passée. Il trouvait que voir trop de Hakas dévalorisait le mythe. C’est vrai que depuis le début de la coupe du monde, cette danse maorie est omniprésente en Nouvelle-Zélande. Dans les pubs, les magazines, les villages maoris où les touristes affluent et même au musée d’Auckland. Dans les boutiques de Queen Street, l’artère principale d’Auckland, les gadgets ne manquent pas. L’un des articles le plus vendus est un ourson en peluche, habillé en rugbymen, qui récite son Haka quand on lui appui sur le ventre. C’est plutôt mignon même en noir. On a même vu un gigantesque Haka « Flashmob », une chorégraphie composée de 300 danseurs, en plein centre-ville. 

L’approche du Haka a changé au fil des années. Ses gestes et ses interprétations aussi. Pour Pierre Villepreux, cette danse a trop évolué. « Le Haka, on le vivait pas vraiment explique l’ancien sélectionneur adjoint des Bleus. A l’époque, on l’écoutait gentiment, on se faisait des passes en attendant. Ce n’était pas un défi mais un concept culturel lié à la culture maori mais on ne répondait absolument pas au Haka. Aujourd’hui, les All Blacks sont assez agressifs dans leur approche du Haka.  Il y a une part d’exagération. » 

En France, nous avons des cours de chant. Eux ont des cours de Haka.

Avant, le Haka était un moment rare. On pouvait se lever à 4 heures du matin pour ne rien manquer de ce rite qui accompagne les All Blacks dans tous leurs matchs. On pouvait bien manquer le reste de la partie mais pas le Haka. Pendant cette coupe du monde, les Néo-Zélandais seront amenés à effectuer 7 fois cette danse maorie s’ils vont au bout. Au Haka kiwi viennent également se greffer les Hakas Fidjien, Samoan et Tongiens, très différents les uns des autres mais tout aussi spectaculaire, mais moins connus pour certains.
Le problème de cette overdose de Haka provient de sa propre histoire. Depuis le 30 août, chaque équipe engagée dans cette coupe du monde est accueillie sur le sol néo-zélandais par un Haka. Cela peut être celui d’une école d’Auckland comme celui d’un petit club de rugby. Et ce dès l’aéroport. Ensuite, les formations sont invitées dans des sanctuaires ou villages maoris appelés « marae ». Là, ils doivent « affronter » une cérémonie d’accueil composée de chants puis d’un Haka. Les femmes et les jeunes chantent à l’arrière et les hommes s’agitent à l’avant. Ce Haka n’a souvent rien à voir avec celui des All Blacks mais est un rituel obligatoire synonyme de « laisser passer. » D’ailleurs, le Haka, qui veut dire « faire » est le mot employé pour toutes les danses du Pacifique. On peut trouver des dizaines de versions différentes dans les écoles ou les clubs de rugby.  En France, nous avons des cours de chant. Eux ont des cours de Haka. Quand on se balade dans les villes de Nouvelle-Zélande, on peut assister par hasard, comme à Taupo l’autre jour, à une leçon de Haka dans la cour de l’école. Ce sont des moments rares et intenses.

Cela peut être virulent comme accueil mais c’est une forme de respect. La violence laisse ensuite place à l’apaisement. Il faut montrer que l’on vient en paix. L’équipe de France est passée par ce moment-là au marae d’Orakei, à l’Est d’Auckland. Tous les joueurs ont apprécié. Ils n’ont pas tout compris mais ils ont réalisé qu’ils étaient bien en Nouvelle-Zélande. Même les All Blacks ont dû montrer qu’ils étaient dignes de cette terre. Leur propre terre.

« Quand on regarde le Haka, il faut aussi avoir envie de les bouffer » Philippe Saint-André.

Pascal Papé trouve que le Haka est plus une action de communication qu’autre chose. Il n’a pas tort. C’est bien une sorte de communication. Il s’agit d’invité l’autre dans sa danse. Espérons que les Français danseront sur le même rythme. Car si ils ne fait plus rien à certains, le Haka peut avoir un gros impact sur le reste du match. Pour Philippe Saint-André « Le match ne se gagne pas pendant le Haka mais il peut se perdre là. Il faut les asphyxier dès le début car si on commence à subir les impacts et les plaquages, à se laisser dominer, cela peut aller très vite. Le Haka est quelque chose de fort et de motivant. Quand on regarde le Haka, il faut aussi avoir envie de les « bouffer ».

En 1999, les Français avaient chanté la Marseillaise en face des All Blacks. En 2007, les tauliers du groupe France avaient demandé à leur équipementier de leur faire des maillots bleus, des blancs et des rouges. Ils avaient dressé un mur tricolore au nez et à la barbe des Néo-zed. On sait ce qui s’est passé après ces deux Hakas. On ne sait pas ce que les Français ont préparé pour ce soir. Peut-être rien d’ailleurs. Mais à voir leurs petits sourires en coin, les Bleus ont encore des idées pour marquer le coup mais ils devront le faire avec respect sous peine de mettre le feu à cette coupe du monde. Les All Blacks, qui n’ont pas digéré ces déclarations et ces deux défaites terribles pour tout un pays, pourraient sortir leur plus virulent Haka demain soir : le Kapa O Pango. Ce Haka est moins complexe au niveau des paroles et identifie mieux la nation kiwi : « Laissez-nous nous unir avec notre terre, C'est notre terre qui gronde. Nous sommes les All Blacks, Il est temps ! C'est mon moment !Notre règne, Notre suprématie triompheront, Et nous atteindrons le sommet ! La fougère argentée ! »

Ce Haka a été créé car les Néo-Zélandais n'auraient pas apprécié le fait que les supporters sud-africains aient sifflé le Ka mate lors d'un précédent test-match. A l’époque, Tana Umaga avait mené un terrible Kapa O Pango contre les Springboks, balayés ensuite par les Blacks. Les paroles ne sont pas plus guerrières que La Marseillaise, en revanche, sa chorégraphie est terrifiante.

Le meneur du Haka tape sur le dos de ses coéquipiers à genoux qui eux, frappent le sol. Et pour finir, le meneur, qui est souvent un maori (comme Piri Weepu, le demi de mêlée qui sera titulaire demain) fait mine de se trancher la gorge tout en levant les yeux au ciel et en tirant la langue. Aller jouer au rugby après ça…Mais la signification maori voudrait dire tout autre chose et le geste a été un peu atténué pour ne pas dire aseptisé. Mais cela reste un moment incontournable. « Le Haka a toujours été impressionnant pour moi explique Olivier Magne. Quand on est joueur, on se nourrie de leur agressivité, on emmagasine de l’énergie. Le Haka, je le trouve encore plus impressionnant aujourd’hui. Les All Blacks, c’est un mythe, une équipe d’anthologie au pourcentage de victoires inégalé. C’est l’équipe de rugby par excellence. Et l’on voit tout ça à travers le Haka. »

G. B.
Photos DR et GB.

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