Ancien joueur et entraîneur du Stade Toulousain, ancien sélectionneur de l’équipe de France avec Jean-Claude Skrela de 1996 à 1999, Pierre Villepreux observe et analyse mieux que personne l’évolution du jeu. A quelques heures du début de la coupe du monde, il a répondu à nos questions.
Pierre, êtes-vous surpris de ne pas voir Yannick Jauzion, Florian Fritz et Clément Poitrenaud dans le groupe de l’équipe de France pour la coupe du monde ?
Un peu oui car ces joueurs-là étaient compétitifs pour être dans ce groupe. C’est toujours pareil tout dépend du jeu que l’on veut faire. Si c’est un jeu basé sur le mouvement, ils peuvent répondre à ces attentes. Si c’est autre chose, il y a d’autres joueurs pour ça. Il n’y a pas qu’au niveau des centres où il y a un problème. C’est au niveau du jeu produit, au niveau mental par rapport aux nations du sud. L’Australie ou les All Blacks sont complètement à fond dans leur système de jeu, elles tentent des choses et sont totalement libérées. Il y a un retard qui n’est pas négligeable et qui ne sera pas comblé en un mois. Mais cette coupe du monde sera intéressante avec cette opposition Nord/Sud. Mais sur un match, si on arrive à les gêner, à les contrer en touche, en mêlée sur les domaines qui ne sont pas des fondamentaux pour moi, nous pouvons les perturber. Cela peut aussi gagner, on l’a vu par le passé avec l’Afrique du sud et l’Angleterre. Si ce rugby du sud gagne la coupe du monde, il faudra se remettre en cause.
A quel niveau ?
Ce n’est pas la méthode de formation qui est en cause car on l’a mais faire le nécessaire dès le début, chez les poussins et les benjamins pour avoir ce type de joueur. Les Australiens font un gros effort au niveau des jeunes. Ils n’hésitent pas à les faire jouer au haut niveau, à les mettre dans la compétition. C’est ça qui fait grandir un joueur. En France, on attend tellement qu’il soit mure physiquement qu’après, c’est déjà trop tard. Si le joueur est bon, il faut le faire jouer très tôt. La maturité physique est un faux problème car cela se développe avec la pratique du rugby. S’il n’y avait que la préparation physique, il y a longtemps que les USA ou la Russie seraient champions du monde. Il faut d’abord apprendre le jeu, acquérir l’intelligence pour bien se positionner. C’est au travers du jeu lui-même que l’on acquiert les bonnes habitudes et que l’on devient un grand joueur. Il faut un staff qui libère les joueurs, qui leur donne beaucoup de liberté, qui ne les enferme pas dans des schémas mais qui les met dans la compétition. Si ces joueurs font des erreurs, et bien ils les retiendront.
La France n’est pas au niveau des nations du sud selon vous ?
Je ne pense pas que l’équipe de France réussisse à trouver un jeu en si peu de temps. Les All Blacks vont appuyer sur ce qu’ils savent faire : leur vitesse d’exécution, dans le sens du jeu et dans la technicité est supérieure. Ils n’hésitent pas à jouer, un peu comme l’équipe de France en première mi-temps contre l’Irlande à Bordeaux. Mais les Français font encore trop parler leur puissance.
Quelles sont les points faibles des All Blacks ?
C’est un peu toujours la même faille. Si défensivement, on n’arrive pas à les contrer, à leur faire rendre des ballons au pied, on ne pourra pas les battre. Il faut mettre cette pression qui les empêche de jouer, d’enchaîner les temps de jeu. Si on subit l’avancée des Néo-Zélandais, ce sera dur. Mais ça, c’est le rugby de toujours, d’hier et de demain.
Faut-il faire l’impasse sur ce match pour aller loin dans la compétition ?
Non, surtout pas. Il faut avoir l’ambition de finir premier de la poule. Ce n’est jamais bon dans la tête de prendre 50 points. Médiatiquement, c’est aussi un match très important. C’est la première fois que les deux nations se rencontrent en match de poule. Cela va créer un climat psychologique différent. Comment les All Blacks vont-ils aborder ce premier match capital ?
Les arbitres de cette coupe du monde appliqueront-ils la règle de la même manière qu’ils soient du sud ou du nord ?
Pour avoir travaillé avec l’IRB, je connais bien leur fonctionnement et il y aura une homogénéité de l’arbitrage dans le management des règles. Cela dit, les arbitres sont des hommes et on ne pourra pas changer certaines habitudes. Cela fait partie des aléas.
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